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Nous allons ici arrêter la chronologie commencée le 23 avril pour mettre en exergue les conclusions du rapport de la commission chargée d'enquêter sur les circonstances et les dysfonctionnements ayant amenés à l'effondrement de a tribune rendues le 12 mai . Afin de réaliser cette avant dernière partie, nous nous sommes aidé, comme souvent à travers le site, de l'ouvrage de Serge et Michel Pautot «  Les responsables du drame de Furiani  » où est retranscrit le rapport dans son intégralité.

Les conclusions du rapport d'enquête

 

Sur le plan technique, de l'effondrement de la tribune Nord

Concernant la tribune en général, la commission d'enquête relève des «  manquements graves aux règles de l'art de la part de l'installateur, la société Sud Tribune.  »

La commission constate après l'accident en ce qui concerne la conception que «  la grande légèreté de la partie « échafaudage » saute aux yeux  ». Elle relève notamment l'absence de plans, de notes de calculs, l'ouvrage métallique n'étant reconstitué qu'à partir de «  quelques croquis à main levée établis par le chef de chantier  », ce qui constitue pour elle «  une faute professionnelle encore plus grave, s'agissant d'une construction recevant du public […] »

Elle constate que «  des tubes horizontaux permettant de lier les pieds des montants sont interrompus pour laisser le passage au public  », que « les conditions d'appui des éléments verticaux sont disparates  » et que «  des tubes verticaux de faible longueur ont été utilisés pour réaliser des montants de grande longueur  », fragilisant ainsi la rigidité de la construction.

[Sans rentrer dans les détails donnés par la commission d'enquête, il n'est pas difficile de constater, même pour un néophyte, que la construction de la tribune semble « bâclée ». En témoigne ces images : assemblage sans vices, sans écrous, attaché parfois grâce à un simple ruban, piliers de soutien reposant sur de simples parpaings…]

Enfin, la commission confirme que l'accident ne peut être a priori imputé à un «  désordre  » ou «  une défaillance ponctuelle  ». Elle ajoute : «  Un tel effondrement global d'un ouvrage d'une emprise au sol aussi importante est révélatrice d'une insuffisance de la structure d'ensemble . »

 

Du rôle et des responsabilités du pouvoir sportif

La FFF délègue à la LCF l'organisation de la rencontre, qui délègue elle-même cette organisation au SCB. Selon la commission, « La catastrophe du 5 mai 1992 trouve son origine dans la décision de construire la tribune prise par le comité directeur du Sporting Club Bastiais (SCB) et annoncée à la presse par le président du club ».

Pour la commission, les dirigeants du SCB n'ont pas mesuré les conséquences de leur décision et que, selon les dispositions du code la construction et de l'habitation, le club est responsable tant des conditions illégales d'ouverture au public sans autorisation que de l'absence de contrôle technique sur l'édifice (en l'occurrence la tribune Nord). Selon elle, «  Les justifications avancées par les dirigeants bastiais pour dégager leur responsabilité ne se sont donc pas satisfaisantes sur le plan juridique  » et que «  Leur responsabilité est totalement engagée dans les conséquences tragiques de ce pari perdu (« Le pari fou » titrait Jean-Richard Graziani - cf partie 20h20) ».

En ce qui concerne le procès-verbal adressé à la FFF par la LFC qui mentionnait frauduleusement qu'un avis favorable avait été délivré par la commission, la commission constate que c'est sur la base de ce faux que la FFF a remis la billetterie au club amis que cependant, celle-ci «  n'a pas été diligente dans ses propres règlements  ». De plus, la visite de sécurité des installations n'a pas été effectuée par la FFF et à travers elle, la LCF.

La commission d'enquête conclut sur ce point : «  La responsabilité du mouvement sportif est donc engagée dans la catastrophe de Furiani  ».

[Malgré cette conclusion, il apparaît que des préoccupations de sécurité étaient à l'esprit des dirigeants (notamment du SCB qui ne peuvent probablement pas être mis en cause dans leur précipitation pour satisfaire un maximum ses supporters mais plutôt dans l'absence de garantie sur la sécurité de ceux-ci]

 

Du prix des billets

Il apparaît clairement que les prix des billets ont été majorés , Jean-François Filippi ne s'en cache pas. Cette majoration a été dissimulée à la FFF puisque le club à certifié que les billets seraient vendus pour une somme allant de 50 à 250 F, alors qu'en réalité les tarifs appliqués s'élevaient jusqu'à 500 F. En ce qui concerne le gain, la recette déclarée est officiellement de 1 339 500 F, alors qu'en réalité, elle est deux fois supérieure a ce qui a été annoncé, soit plus de 3 000 000 F. La volonté de réaliser une opération financière de la part des dirigeants du SCB est claire pour les enquêteurs et ne fait aucun doute.

- Du fonctionnement de la commission de sécurité et de l'exercice du pouvoir administratif du maire et du préfet

C'est peut être sur ce point que le rapport défini de manière aussi précise les manquements aux règles et aux devoir concernant la sécurité pour le match.

La commission d'enquête constate de nombreux et de « très graves dysfonctionnements  ».

Les réunions de la commission de sécurité apparaissent très confuses  : réunions improvisées sur des simples appels téléphoniques, Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports mise à l'écart, « oubli » d'invitation la DDE…

La réunion du 4 mai, en dépit du faite que les caractéristiques précédentes s'y applique, est d'ailleurs empreinte de la plus grande confusion : «  A tel point que deux versions du procès-verbal de la réunion ont été communiqués à la commission d'enquête . » L'un daté du 4 mai émet un «  avis défavorable  » à la tenue de la rencontre du fait d' «  un niveau de sécurité très insuffisant  ». Ces deux versions ne comporte aucune signature du préfet ou de son directeur de cabinet, pourtant seuls habilités à établir ce genre de document . De plus, le procès-verbal présenté par la préfecture comporte des mentions manuscrites ajoutées le 5 mai, alors que la date du 4 mai figure en en-tête.

Autrement dit, «  l'avis de la commission de sécurité n'a pas à ce jour été formellement exprimé au sujet de l'exploitation des installations du stade de Furiani dans sa configuration du 5 mai » et «  qu'à aucun point de vue la commission la commission de sécurité n'a rempli son rôle qui eût été d'émettre un avis après avoir édicté des prescriptions de sécurité et recommandé au maître d'ouvrage les vérifications techniques qui lui incombaient.  »

Concernant le pouvoir et le rôle de l'administration (mairie et préfecture), le dispositif juridique de sécurité aurait du reposer sur les autorisations du maire de Furiani. Or, la commission d'enquête constate que «  les pouvoirs du maire n'ont pas été exercés  », le maire n'ayant signé «  ni autorisation d'aménagement [permis de construire et de démolir, ndlr], ni autorisation d'ouverture  ». Cependant, elle constate aussi qu' «  en réalité, le maire de Furiani semble avoir été impuissant face aux décisions des dirigeants du club bastiais qui ont l'habitude de ne pas solliciter d'actes juridiques de sa part  ». La commission conclut par ailleurs qu'il n'était pas raisonnable de laisser peser une telle responsabilité concernant l'ouverture de l'enceinte au maire de Furiani, raison pour laquelle le rôle du préfet est examiné.

Ainsi, le préfet semble s'être «  beaucoup préoccupé de l'amélioration des conditions de sécurité de la rencontre au regard des risques liés à la concentration de plus dix-huit mille spectateurs dans l'enceinte du stade Armand Césari  » mais que, les services de l'Etat n'ont cependant pas conduit d'analyse précise des problèmes techniques, juridiques et de calendrier et que personne ne se soit manifester parmi les chefs des services de l'Etat. «  Le préfet […] n'a pas pris en considération que les délais étaient impossible à tenir  ».

Enfin, en dehors de ses aspects, sur un plan plus « humain », le rapport souligne le dévouement de l'ensemble des services publics et des personnes qui se sont joint aux opérations de secours à titre privé.

Voilà les principales conclusions du rapport. Les services de l'Etat et les dirigeants du club sont donc clairement visés. Il apparaît donc à la lecture du rapport de la commission d'enquête que rien n'a été effectué dans les règles, ni pour le quart de finale contre Nancy, ni pour la tragique demi-finale du 5 mai. Ni les dirigeants du SCB, ni les dirigeants de l'administration et des forces de sécurité n'ont pu garantir totalement la sécurité des 9 300 personnes présente sur la tribune Nord le soir de la catastrophe. Parfois même, les erreurs et les manquements à la sécurité ont été sciemment dissimulés, en témoigne la rédaction des faux procès-verbaux. Enfin, et cela apparaît encore plus grave, personne ne semble avoir eu conscience de la difficulté, voir de l'impossibilité de réaliser une telle construction dans un délai aussi déraisonnable.

Nous ne pouvons que lire avec tristesse mais aussi avec colère les conclusions du rapport de la commission d'enquête :

«  Le soir du 5 mai, il n'y a pas eu de fatalité . »

Le bilan définitif de la catastrophe de Furiani s'élève à

18 morts et 2357 blessés,

dont beaucoup resteront handicapés à vie